Après une dure journée de travail (=> John)

Nadia était épuisée lorsqu'elle se laissa tomber sur un fauteuil de la salle des profs. Cette année là, le jeudi était de loin sa journée la plus remplie, elle avait cours à quasiment toutes les heures, ce qui était particulièrement éreintant. Heureusement, c'était encore le début d'année, et comme elle n'avait de cours avec les jeunes sorciers qu'à partir de leur troisième année, ils étaient encore plutôt calmes et attentifs, à l'exception de quelques excités précoces. Elle craignait par contre l'approche de vacances et l'arrivée des beaux jours en fin d'année, pressentant d'ores et déjà que ses élèves seraient à ce moment là beaucoup moins accommodants.

Et bien sur, en attendant cela, Penelope, la petite chipie qui lui servait de fille, s'occupait de la faire tourner en bourrique : alors que Nadia présentait le programme de l'année à ses quatrième année, un grand bruit s'était fait entendre derrière la porte et, bien sûr, comme elle le craignait, elle était tombée en ouvrant sur le visage souriant de la fillette. Devant Penelope, une armure gisait en morceau épars. Dire qu'encore quelques heures avant elle lui avait promis que cette année, elle serait sage... Enfin, Nadia avait reconstitué l'armure d'un coup de baguette et avait fait asseoir sa fille au fond de la salle, n'ayant pas le temps de la gronder et encore moins de la raccompagner jusqu'à la salle des professeurs. Tout aurait pu aller bien, si elle ne s'était pas mise à lancer des boulettes de papier sur les élèves, chose qui avait finalement obligé Nadia à la mettre dehors. Cette gamine allait la rendre folle ! Elle devrait peut-être lui coller une retenue avec le concierge, cela lui mettrait sans doute un peu de plomb dans la cervelle...

Nadia soupira, et retira de son sac une pile de parchemins, les fiches de renseignement de ses élèves de troisième année. Elle ne se sentait pas vraiment le courage de les lire maintenant, mais il fallait pourtant bien qu'elle le fasse avant le lendemain...

Elle jeta un coup d'œil circulaire autour d'elle : la salle des professeurs était vide. Assez inhabituel, alors qu'à cette heure-ci quasiment tous les cours devaient être terminés... Où diable étaient-ils donc tous passés ? Y avait-il encore un match de Quidditch profs/élèves où on avait "oublié" de la convier ? Elle secoua la tête et bailla profondément. Tant pis, de toute façon elle n'aimait pas le Quidditch. Mieux valait commencer à examiner ces fiches, ce serait toujours ça de fait.

La rentrée, c'était toujours le moment (relativement) le plus calme de l'année. Bien sûr, les élèves étaient particulièrement excités et pénibles, mais à cette période en général, il n'avait pas encore eu le temps de leur crier dessus... Quoique... Il fallait quand même que ses Poufsouffle de cinquième année soient arrivés en retard en cours, à part deux ou trois. Et, étrangement, ce n'étaient pas les retardataires qui s'étaient cherché une excuse, mais ceux qui étaient arrivés à l'heure qui lui avaient gentiment expliqué que personne ne leur avait prévenu du cours qu'ils suivraient en premier. De toute façon, au premier cours, c'était toujours la même chose: les fameuse et très célèbres fiches de présentation. Une bêtise immonde que tous ses collègues leur faisaient faire, alors lui aussi: parce qu'on finissait toujours par faire comme "ON" faisait, et la dictature du "ON" s'imposait. Plus on donnait des fiches aux élèves, plus il en donnait lui aussi. Nom, prénom, notes obtenues l'année précédentes - parce qu'il n'était pas capable de s'en souvenir, il retenait tout, prénom et notes, qu'à partir de la sixième année... - et, au début de sa carrière, il demandait aussi les lectures faites cet été. mais vu le niveau des lectures, il préférait désormais s'en passer. Il l'annonçait quand même à la classe, car il y en avait toujours deux ou trois fiers de leurs lectures qui n'hésiteraient pas à les préciser.

A la fin du cours, il se trouva quand même drôlement agacé de constater qu'il ne pouvait vraiment pas passer une année sans crier contre cette classe. Déjà l'année précédente, les Poufsouffle qui étaient à présent en sixième année était une bande de joyeux glandeurs. Il espérait bien les voir s'améliorer un peu par la suite, mais vu que beaucoup d'entre eux avaient finalement réussi leur BUSE, il ne se faisait plus de soucis. Forément aussi, il les avait poussés avec force toute l''année. Peut-être même que John leur faisait peur, en fait, c'ets pour ça qu'il avait fini par s'y mettre et travailler...

La salle des profs étaient vide... ou presque. Les collègues avaient peut-être préféré aller travailler dans leurs bureau. Et la seule qui restait, c'était sa généreuse et magnanime collègue d'étude des runes, qui elle au moins ne passait pas son temps libre à aller fumer des cigarettes moldues, mais travaillait pendant ses heures de trou. D'ailleurs, elle faisait une occupation super intéressante.

- Ah, Nadia, tu lis des fiches ?

Il se jeta littéralement sur la machine à café et se remplit une tasse avant d'aller s'asseoir à la même table, sans même enlever son manteau. Dans peu de temps, il sortirait fumer, il en était sûr. Il ne pouvait pas rester trop longtemps enfermé ici, cela lui demandait un trop gros effort. D'ailleurs, il avait appris que certains collègues ne le voyaient jamais, puisqu'il passait son temps dehors. Et lui ne savait même plus comment ils s'appelaient...

- Bah moi, je les lirai plus tard, mes fiches. De toute façon je ne connais pas ces élèves... et je ne fais aucun effort pour les connaître. Je les lirai plus tard... peut-être... si j'y pense.

Une porte qui s'ouvre avec fracas, des bruits de pas derrière Nadia : une seule personne pouvait venir de rentrer dans la salle des profs: son éminent collègue de divination. Et, effectivement, lorsqu'elle se retourna, John Spoilt lui faisait face.

" Ah, Nadia, tu lis des fiches ?" lui dit-il en se servant, comme par hasard, une tasse de café.

- Oui, il faut bien,

répondit-elle en soupirant tandis qu'il venait s'asseoir à coté d'elle.

" Bah moi, je les lirai plus tard, mes fiches. De toute façon je ne connais pas ces élèves... et je ne fais aucun effort pour les connaître. Je les lirai plus tard... peut-être... si j'y pense."

Nadia soupira de nouveau en secouant la tête. Son collègue ne changerait jamais. Il était d'ailleurs prévisible à un point qu'elle aurait pu parier que d'ici dix minutes il serait dans le parc en train de fumer ces choses moldues immondes qu'il appelait cigarettes.

- Tu as tort de ne pas t'intéresser à tes élèves, John. C'est beaucoup plus intéressant d'essayer d'apprendre à les connaître. Prend exemple sur moi : je connais au moins de nom tous mes élèves de la quatrième à la septième année !

Un silence s'installa, durant lequel Nadia se replongea dans sa lecture tandis que John buvait une gorgée de café.

- Regarde-moi ça ! s'exclama-t-elle soudain en brandissant un parchemin sous le nez de son éminent collègue, l'air catastrophée. Celui-là, il pense que l'étude des runes a pour objectif de pouvoir communiquer avec les extra-terrestres !! Et ce n'est pas le seul ! Qu'est-ce que je vais pouvoir faire d'élèves pareils !

Nadia, découragée, laissa tomber la pile de parchemin sur la table derrière elle. Elle les lirait plus tard, si elle était assez motivée pour s'y replonger. N'ayant pas très envie que John parte fumer, la laissant toute seule, elle se dépêcha de trouver quelque chose à lui dire avant qu'il ne lui prenne l'idée de s'en aller

- Tu sais où ils sont tous partis les autres ? Et, par hasard, tu n'aurais pas vu ma fille ?

"Il faut bien". Oui, si on voulait. Tout dépendait de la façon dont elle entendait "il faut". Soit elle voyait cela comme une contrainte, ce qui était fort étrange puisqu'elle n'aurait aucun mal à tout mettre à la poubelle - ou au fond de son sac, comme lui - si elle le voulait. Dans ce cas, "il faut" était une obligation. Ainsi donc, elle se sentait obligée de lire ces fiches après avoir forcé les élèves à les remplir. En même temps, John savait très bien que les élèves adoraient remplir des fiches, c'était toujours ça de cours en moins. Les élèves... hum, quand il entendait le nom d'élève... il avait envie de boire une gorgée de café.

- Ouais c'est bien de connaître les élèves... mais je leur parle des...

Il but une gorgée de café, en plein milieu de sa phrase, comme d'habitude, sans se soucier que sa collègue l'écoutait et voulait sûrement entendre la fin de sa phrase.

- ... fois, quand je sors entre les cours. Certains sont fils de moldus, et j'apprends beaucoup de choses sur eux comme ça. Pas besoin d'aller demander à Giselle, de toute façon sa matière est complètement absurde, comme s'il existait quelque chose comme "le moldu" qu'il faudrait étudier sous tous les angles comme un objet.

Un silence s'installa. John but une autre gorgée de café, repensant à ses élèves de Poufsouffle de l'année précédente de cinquième année - enfin, ceux qui étaient à présent en sixième année et dont il connaissait les noms. Toujours les Poufsouffle, oui, car étrangement c'était ceux qu'il voyait le plus souvent, pourtant pas les plus travailleurs, dans sa discipline en tout cas (il l'espérait). Vers la fin de l'année précédente, ils lui avaient parlé d'un autre truc moldu très intéressant - parce qu'il paraissait que la cigarette n'était pas très bonne pour la santé. Après que Nadia se fut énervée sur des élèves parlant d'extra-terrestre, ce que John connaissait bien pour en avoir souvent entendu parler quand il faisait passer des examens, il annonça:

- Tu sais ce que j'ai acheté l'autre fois à Londres ? Un patch ! C'est un truc pour arrêter de fumer. C'est pas vraiment pour arrêter de fumer que j'en mets un, mais pour pas fumer trop en fait... parce que ça va commencer, les copies de cinquième année, les plus pénibles, et les clopes ça va aller vite...

Finalement, Nadia se décida enfin à poser la question qu'elle posait tout le temps: où était sa fille ? Hum, John n'en savait rien, mais certainement pas là où elle aurait dû être, ce serait un miracle.

- Non, je ne l'ai pas vue. Mais ne t'inquiète pas, peut-être qu'elle a croisé ma belle-fille en chemin et qu'elle est avec. Hier Anabelle nous a répété toute la soirée qu'elle était "trop mignonne". Avec sa mère, on se regardait, on n'e pouvait plus. Aujourd'hui elle a dit qu'elle était "choquée" de l'avoir vue démolir une armure tout à l'heure. Au début j'ai pas compris, mais en fait elle voulait dire qu'elle était très surprise.

Nadia secoua la tête d'un air réprobateur lorsque John se mit à critiquer l'étude des moldus. Elle n'aimait pas que l'on s'en prenne ainsi à un collègue, comme c'était aussi souvent le cas pour ce pauvre Rex, le conseiller d'orientation.

-Parfois je me demande ce que tu racontes sur l'étude des Runes et sur moi quand j'ai le dos tourné. Sans doute que je suis une vieille chouette qui parle de choses vieilles et sans intérêt...

Nadia soupira lorsque John lui parla de ses "patch" moldus. Elle n'avait rien contre les moldus, loin de là, mais n'avait qu'une confiance très limitée en leur technologie, très largement inférieure à la magie. Enfin, si son collègue voulait s'intoxiquer avec d'étranges substances moldues, autant se soigner avec d'étranges remèdes moldus...

- Tous ces produits moldus que tu absorbes finiront par te tuer, John,

ne put s'empêcher de dire Nadia.

Elle l'écouta ensuite décrire à quel point Anabelle, sa belle-fille, trouvait Penelope "trop mignonne" avant de soupirer à nouveau :

- Il y a longtemps que je ne m'inquiète plus pour elle. Par contre, je m'inquiète pour l'état de ce château - elle pourrait le réduire en cendres si elle en avait les moyens, et sans même le faire exprès ! - et pour mon poste d'enseignante, qui curieusement dépend du nombre de bêtises que ma fille aura réussi à faire dans l'année... Elle est désespérante... D'ailleurs, tu n'aurais pas vu mon Baiffiot par hasard ? Je suis sûre que c'est elle qui l'a trouvé sur mon bureau, et elle s'est dit que ce serait très drôle de le cacher quelque part dans le château...

Nadia se leva brusquement et alla se servir une tasse de café. Pourtant, elle n'aimait pas ça, le café, mais quelque chose de bien chaud et infect lui ferait du bien, cela lui remettrait les idées en place. En plus, John, qui prenait du café sans arrêt, parvenait à rester de bonne humeur : cet espèce de liquide brunâtre y était peut-être pour quelque chose... Tant qu'à faire, elle pourrait aussi se mettre à fumer, comme lui et Frederic. C'était encore plus infect, mais qu'importe ? Au moins, cela lui permettrait sans doute de se rapprocher du séduisant professeur d'histoire de la magie...

Retournant s'asseoir à sa place, elle porta la tasse fumante à ses lèvres... et faillit tout recracher sur son éminent collègue de divination. C'était pire qu'infect, c'était immonde. Elle posa vite la tasse sur la table à coté des fiches de renseignement de ses élèves, avec une grimace dégoutée.

- John, comment est-ce que tu peux boire ce truc ?

Ce que John racontait sur Nadia ? Mais il ne racontait absolument rien sur elle, ni sur sa discipline, quand elle avait le dos tourné. Et s'il le faisait, un de ses collègues s'empresserait de vite aller le lui répéter (Frederic par exemple). C'était vrai: l'autre jour, il avait cru comprendre par l'intermédiaire des Poufsouffle de cinquième année que son élève Aurélie était folle de son professeur d'histoire de la magie. Il a promis de ne rien lui dire, mais il a fait promettre à son collègue de se taire quand il l'a répété quand même. Et il a eu une petite fuite pendant le cours... Donc tout était très clair: ses collègues ne savaient pas garder un secret.

- Je te rappelle que j'ai fait de l'étude des runes au collège et que ça me plaisait beaucoup. Et ça me plait toujours, je continue de lire des textes à ce sujet. Je m'instruis.

John était fier de son patch. D'ailleurs, il n'avait pas mis de temps à prévenir tous ses élèves qu'il en avait un. Et tous ses élèves l'avaient regardé avec des yeux de merlan frit, se demandant de quoi il pouvait bien parler, sauf quelques enfants de moldus qui le lui avait conseillé précédemment. Même s'ils lui avaient surtout dit que c'était pour arrêter de fumer; mais il n'allait quand même pas suivre ce dernier conseil ! C'était beaucoup plus amusant ainsi.

- Mais Nadia, je vais te dire un truc: on peut vivre trèèèèès longtemps si on reste coincé dans une chambre et qu'on ne bouge plus. Parce que l'excitation, c'est ça qui tue ! Mais est-ce qu'il ne vaut pas mieux vivre pleinement, comme moi, et vivre jusqu'à trente ans ? Non trente-cinq... Bref, j'ai dépassé ces âges-là, donc tu vois, pas de problème !

Et alors qu'il l'écoutait parler de sa fille hyperactive elle aussi, il souriait. Cette gamine était affreusement charmante et drôle. Il la voyait courir dans le château, acclamée par les étudiants et rendant complètement folle sa mère. Et encore une fois, il voyait que c'était bien mieux de ne pas avoir d'enfants. Il en avait déjà assez avec sa belle-fille, pire encore avec son beau-fils, qui commençait tout juste sa crise d'adolescence, et qui ne risquait pas de la finir de sitôt, tel qu'il le connaissait.

- Ton Baiffiot ? Hum... mais tu n'avais pas autorisé une élève à le prendre quand elle voulait ? Une de TES élèves est venu me dire qu'elle avait le droit de le prendre quand elle voulait pour travailler, elle m'a assuré que c'était arrangé avec toi... alors je le lui ai laissé.

Il osait espérer que Nadia serait déjà ravie de savoir son dictionnaire entre des mains sérieuses plutôit qu'entre celles de Penelope. Puis, chose étrange, Nadia alla se servir du café. Il s'étonna de ce geste, elle qui n'en prenait d'ordinaire jamais. D'ailleurs, il lui semblait qu'elle avait horreur de ça... Impression qui se confirma quand il vit l'horrible grimace que lui décernait sa collègue.

- Je bois ça parce que c'ets chaud, ça réveille et c'est du liquide. ouais, c'ets juste histoire de boire un truc. Mais à la maison j'en bois même pas du café d'abord. Et celui-là je veux bien croire que tu ne l'aimes pas, c'est du 100% collègues.

Il ne sortit pas de copies comme il aurait pu le faire d'ordinaire en présence de Nadia, puisque celle-ci passait ses récré à écouter son éminent collègue de Divination se plaindre de ses élèves, car il n'avait tout bêtement aucune copie, les cours avaient à peine commencé. Alors, il repensa à quelque chose qu'il avait entendu:

- J'ai lu quelque part que les moldus faisaient leurs médicaments à base de bactéries... mais une élève dont les parents sont moldus m'affirme que c'est à base de champignons. Tu n'en aurais pas une idée, toi, par hasard ?

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